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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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  • Venez découvrir les textes écrits par les stagiaires et les écrivains des Ateliers d’Écriture du Prix du Jeune Écrivain, ainsi que divers témoignages et autres contributions littéraires. Crédit photos : Guy Bernot
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5 octobre 2016

Bleu Horizon - Diane Giorgis

C'est pas une fuite. Je me répète ça. Comme ça, tout le temps, dans ma tête. Pas à voix haute, à cause des petits. C'est pas une fuite. On part, c'est tout. On laisse tout ce qui n'est pas nécessaire. Tout ce qui est trop lourd. Tout ce qui est trop voyant. Tout ce qui est bien à sa place, là, accroché au mur ou dans les malles du grenier. On laisse tout ça, parce qu'on va revenir.

Les petits demandent pourquoi on part. Les petits ont sommeil. Nous les avons levés tôt. C'est le mois de juillet et il faut partir avant l'aube. Après, il fait trop chaud et puis... Non, c'est pas une fuite. Juste un départ. Antoine a déjà chargé les valises dans la voiture, j'y ajoute les petits, qui s'endorment aussitôt sur la banquette arrière. Elle est neuve, la voiture. Une Citroën 2CV beige. On l'a vendue au voisin, inutile de s'encombrer. Lui, il reste. Où est-ce que j'irais, il demande, c'est ici chez moi ! Là-bas, je n'ai personne. Il dit « là-bas » et désigne d'un geste vague, la mer. Je lui ai donné notre future adresse, au cas où. Il a dit merci. Hé bien au revoir alors, bon voyage. Oui, vous aussi. Ça m'a échappé.

Je l'aime bien le voisin. Antoine l'invitait souvent à prendre le thé l'après-midi pendant les heures chaudes et creuses. Où les ombres étaient noires et brûlantes et où tout semblait s'étirer dans un temps sur pause. Les heures du silence, de la sieste et du thé de Fatiah. On s'asseyait autour de la petite table en cuivre et on jouait aux cartes. Fatiah venait avec le thé.

Il brûlait mais la menthe et le sucre apportaient la fraîcheur tant désirée sous ce soleil de plomb. On le buvait à coup de petites aspirations. Quand les hommes ne rentraient pas, j'aimais m'allonger seule sur les carreaux du patio irradiant le soleil dont ils s'étaient gorgés tout le matin. Fatiah venait me rejoindre. Elle restait à l'ombre des colonnes ou sous l'oranger dont le parfum colorait un peu plus les heures chaudes. Je n'ouvrais pas les yeux. Nous ne nous parlions pas. Nous restions là, toutes les deux, à écouter le silence des heures rouges.

Fatiah n'est pas venue. Cela me fait de la peine mais au fond, je le savais. Elle a pleuré hier en nous quittant. Elle s'est frappée la poitrine, en prenant Allah à témoin que nous étions pourtant de bons patrons. Nous lui avons donné la fin de son mois et un petit pécule pour qu'elle s'occupe un peu de la maison le temps que... Ce matin, elle reste dans sa famille avec ses petits à elle et son mari. C'est ainsi. Si ça avait été autrement, nous n'aurions pas dû partir

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