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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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30 octobre 2015

DE SEL ET DE PIERRE - Sonia Russo

 

russo

Le vent lui lacérait les joues. Il claquait des dents malgré son manteau. Quelle folle idée il avait eue. Il faisait si froid que le ciel ne parvenait pas à délivrer ses flocons. Niels avait choisi ce jour-là pour se promener alors qu’il ne sortait jamais. Il se retrouva par hasard dans le quartier portuaire. Il n’y avait pas encore mis les pieds depuis qu’il avait emménagé dans la région deux ans plus tôt. La bise était plus féroce et Niels regrettait son appartement. Enfonçant les mains dans ses poches, il se réchauffa à la pensée d’une tasse de café brûlant. Il marchait sur le quai, face à la mer, quand il l’aperçut. Il se figea. D’où il se tenait, il ne voyait pas son visage, seulement son dos légèrement courbé et ses cheveux rassemblés en une épaisse natte. Il devinait sa beauté. Malgré les bourrasques, elle était immobile. Il ne tenta pas d’approcher, il ne pouvait tout simplement pas, ses jambes refusaient de se mouvoir. Il resta à l’observer, quelques mètres derrière, pétrifié par cette vision et par le froid polaire. Posée sur un rocher, elle contemplait la mer. Il aurait tant voulu qu’elle se retourne. Comme elle ne bougeait pas d’un millimètre et qu’il n’osait aller à sa rencontre, Niels quitta le bord de mer.

 

Tous les jours il revint et tous les jours elle était là. À chaque fois, Niels se rapprochait un peu plus de la jeune femme qui, elle, demeurait éternellement sur son caillou. Un jour, il longea enfin le quai et découvrit son visage. Il fut frappé par sa beauté, par son regard qui se perdait dans la mer, au-delà de ce que l’on pouvait discerner. Elle fixait l’eau sans cligner des yeux. Ses yeux étaient terriblement tristes. Qui l’avait blessée ? Niels aurait voulu lui faire signe, crier… Mais sous le charme de la jeune femme, il était devenu muet. Ses mains étaient trop engourdies pour esquisser le moindre geste. Elle attendait sans doute quelqu’un. Un homme qu’elle avait aimé et qui l’avait aimée en retour. Une pique plus gelée que l’air lui perça le ventre à l’idée qu’un autre avait frôlé son corps lisse, sa peau sombre comme la mer.

S’il ne pouvait lui parler, il irait près d’elle. Il descendit sur les pierres et avança dans cette eau glaciale. Niels progressait avec peine, il n’avait plus froid, les rafales ne le secouaient plus, mais ses membres étaient lourds, il avait du mal à décoller les pieds. Il leva les yeux. Elle était jeune, très jeune et cependant, elle semblait installée sur ce rocher depuis plus de cent ans. Il tendit son bras et sentit sous ses doigts le métal glacé. La douceur de la jambe était celle de l’acier poli. Sa main s’arrêta, paralysée. Son regard suivit le sien. Ils scrutaient tous les deux la mer.

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