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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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30 octobre 2015

AU PENITENCIER - Dielvich Tonda

 

dielvich

Le bus arrivait à une allure réduite, prêt à franchir le grand portail du pénitencier. Au niveau du virage, de sa place, à travers la vitre, il apercevait la mer. Comme elle semblait calme et sereine. Sans inquiétude et sans tracas. L’esprit dans le néant, il voulait être comme elle. Le spectacle était fini. Le grand portail du pénitencier se refermait derrière lui. Sur les traits juvéniles de son visage, on pouvait déjà apercevoir la crainte. Celle de l’inconnu. Pendant qu’on le conduisait à sa cellule, lui, regardait ces barreaux qui renforçaient son inquiétude. Jambes et poignets liés, il marchait dans une combinaison ample et inconfortable. Il se retrouva dans un espace à peine plus grand qu’une boite d’allumette. Il le partagerait avec deux hommes qui semblaient avoir passé leur vie là. Ils devaient avoir trente ans, trente-cinq ans peut-être. Les murs étaient infects, des marques de déjections desséchées offraient un décor infâme. La cellule n’était pas éclairée. Seule once d’humanité dans cette pièce immonde, le petit espace entr’ouvert qui  donnait une maigre vue sur la mer. Ce soir-là, le nouveau détenu allait constater à ses dépens qu’une petite bagarre de banlieue pouvait conduire à des conséquences ô combien affreuses. Alors qu’il dormait, il sentit une main se poser sur lui. Il tressaillit. La pression se faisait de plus en plus prononcée sur son corps frêle. Il voulait réagir mais une deuxième main se posait sur sa bouche pour l’empêcher de crier. Ce seraient-ils mis à deux ? Il se débattait, tentait de se défaire de cette emprise. En vain. Il n’avait plus aucune force, son corps l’abandonna. Ce qui arriva après, fait partie des choses qu’on passe toute une vie à taire. Il resta là, vide et en sang. Il était essoufflé et chaque organe de son corps lui procurait une douleur horrible. Allongé, meurtri, il se leva. Le pas mal assuré, il mit son visage entre le petit espace qui donnait sur la mer. Elle était aussi calme que ce matin. Le vent marin lui traversa les narines et il reçut un parfum originel enivrant. Cela lui rendit un peu de force. Il tenta de se rendormir.

 

Durant trois mois, chaque nuit, il avait rendez-vous avec elle mais aussi avec ses bourreaux ignobles. Eux, le détruisait. Elle, l’apaisait. Il pleurait désormais toutes les nuits. Il ne pleurait plus. Son corps était sec. Il aurait voulu qu’elle lui prête un peu de son eau. Apres cinq ans de détention, il sortit. Il semblait vieilli, fané pour son jeune âge. Il alla la voir. Il s’assit, la regarda fixement, ses larmes se mélangèrent à la mer. C’était grâce à elle qu’il avait pu tenir.

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