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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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  • Venez découvrir les textes écrits par les stagiaires et les écrivains des Ateliers d’Écriture du Prix du Jeune Écrivain, ainsi que divers témoignages et autres contributions littéraires. Crédit photos : Guy Bernot
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5 octobre 2016

Un drame à la fraise - Nahel Ducreux-Plassard

DSC_6123 Nahel Ducreux-Plassard

     En face de lui, l’homme était un imbécile qui s’ignorait. La pire espèce. La plus commune en somme. Celle qu’il affrontait quotidiennement au Lion d’or, sous la lumière ocre de la salle des machines à sous. Des dizaines de lourdauds abordaient le bandit chaque jour, il n’allait faire qu’une bouchée de celui-là : ce pauvre imbécile en sueur tripotait le col de son costume plein de pellicules et mâchouillait un chewing-gum à la fraise. Il étala ses trois derniers jetons devant le bandit manchot dont les roues à symboles brillaient et caressa dans sa poche un petit poisson doré pour chasser l’inquiétude. Le bandit ignora ce geste et se racla la gorge, il n’avait pas que cela à faire. L’imbécile prit vite deux des jetons qu’il serra pour les réchauffer avant de les lui montrer :

            — Encore une partie.

            — Très bien. Vas-y, mise.

            Et l’imbécile misa, doigts tremblants. Aujourd’hui il s’emparerait du jackpot et on verrait ce qu’on verrait, la chance allait tourner. Mais le bandit empocha les pièces avec un sourire :

            — Perdu.

            L’imbécile serra les dents sur son chewing-gum et attrapa son dernier jeton. Indécis, il le tapota contre le panneau aux boutons clignotants. Le bandit vit qu’il hésitait et intervint :

            — Voyons c’est simple. Trois symboles identiques et tu gagneras cent jetons, un nouveau capital que tu pourras multiplier. Suis mes instructions, tu ne le regretteras pas.

            — Et si je perds ? demanda l’imbécile en échouant à paraitre désinvolte.

            — Oh, si tu perds tu perds juste ce jeton. Mais si tu abandonnes maintenant tu le regretteras, crois-moi.

            Alors l’imbécile, qui décidément s’ignorait, eut un élan de certitude : il donna la pièce au bandit, se leva et lui serra la main d’un coup sec. En silence le criminel s’exécuta et fit défiler les images sous le regard du malheureux. Une fraise s’arrêta, puis une autre… L’homme écarquillait les yeux, serrait les poings, c’était le moment, oui.

            Une banane. L’imbécile se figea alors que le bandit manchot ricanait :

            — Pauvre naïf, que croyais-tu ? Aller, va-t’en, tu n’as plus rien qui m’intéresse.

            Soudain deux ombres à chaussures noires posèrent leurs mains baguées sur ses épaules. Il jeta un regard désespéré au bandit mais déjà on l’entrainait vers la porte, hors du Lion d’or. Dehors c’était la nuit et il pleuvait.

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