PANTOUM D’OUTRE-TOMBE - Jacques de Certaines
Quand je mourrai,
Ô vous qui m’aimiez,
Quand je mourrai
Que l’on enfouira mon cercueil noir
Dans la terre grasse et pleine d’escargots
Ne pleurez pas sur ma tombe !
Ce n’est pas là que je serais,
N’y déposez pas de fleurs mortes
Car je serais
Dans l’éclat du soleil
Et l’éclat du soleil
Dans la fraîcheur de la brise
Et la fraîcheur de la brise
Dans le nuage fugace
Et le nuage fugace
Dans le bleu profond du ciel
Et le bleu profond du ciel
Dans la force du mistral
Et la force du mistral
Dans les teintes sanguines du coucher de soleil
Et les teintes sanguines du coucher de soleil
Dans la nuit
Et la nuit
Dans le croissant de lune
Et le croissant de lune
Dans la lueur des étoiles
Et la lueur des étoiles
Ainsi jusqu’à l’aube
Ne pleurez pas sur ma tombe
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Voyez-vous les nuages ?
Cette chape blanche, au-dessus de nos têtes,
Imaginez par-delà,
Au-dessus du nuage, l’aigle royal,
Par-delà les éthers,
Par-delà les sphères étoilées,
Aussi loin qu’accède l’Esprit,
Dans la pureté,
Piédestal surplombant création et cosmos,
Imaginez un fauteuil, un trône
D’ambre, de vermeil, d’orichalque,
De mille matières plus précieuses encore,
Ce trône paraît de lumière solide,
Aura de splendeur, de soleil,
Merveille des merveilles : c’est le trône de Dieu.
Mais il est vide
Car le Tout-Puissant
Préfère être
Parmi nous,
Dans
Le chant des cigales,
Les fées des ruisseaux,
Les saveurs de l’enfance,
Le sable des grèves,
Les senteurs du foin,
Les chansons d’autrefois,
Les promenades,
Le devoir accompli,
Le silence des chats,
Les perles de pluie,
La couleur du petit vin,
La lyre du poète,
Les parfums familiers,
Le bruissement de l’écume,
La sève des cyprès…
Car Dieu Préfère être dans tous les petits riens,
Qui donnent un goût de pain à la vie.