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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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30 octobre 2015

ENLUMINURE - Esther Carraud

 

esther carraud

Elle a trouvé une larme sur un cheveu doré.

Le cheveu n’avait, en somme, rien de bien extraordinaire; il était là, lové dans sa lumière, fleuve sinuant sur une carte vierge, semblable à tous les autres fleuves, de toutes les autres cartes vierges. Certes, il brillait un peu. Des reflets s’accrochaient, çà et là, à ses torsions d’anguille. Un cheveu blond, d’une tête toute aussi blonde, échoué sur une plage de papier. La petite se pencha, délaissant pour un temps ses crayons de couleurs ; devant elle, sur sa feuille, un jardin inachevé emmêlait ses rosiers à des tiges sans fleurs.

Elle sourit. Sa tête reposait sur ses bras repliés ; et le cheveu était là, lové dans sa lumière. La larme, elle, s’était laissée porter, de lacet en lacet, avec l’aisance si naturelle aux choses simples ; puis, elle s’était posée, dans un rire de rosée, et captait le soleil. L’enfant la regardait, recueillie, dans la plus belle attitude du monde. Peu à peu, elle voyait dans l’opale s’assembler des fragments, de ces grands puzzles de verre, qui crèvent parfois les hauteurs nues des cathédrales. Des ogives poussaient dans le lac immobile ; des étoiles coupantes, des débris de beautés, des givrures flambantes et des flammes givrées… Tout naissait, mourait, s’ordonnait, se brisait, tout était beau et triste, et tout recommençait. L’enfant n’osait bouger, de peur d’interrompre le ballet des possibles. Lentement, le vitrail prenait corps. Lentement, un artiste invisible versait le Ciel dans le liquide. Lentement…

L’enfant ne put résister. Le cheveu était là, lové dans sa lumière ; et sa main, malgré elle, s’approchait peu à peu de la frêle chapelle. Elle pourrait peut-être en faire en bijou, l’offrir à sa mère… Ses doigts frôlèrent la pointe du cheveu. Oui, à sa mère… Ça lui ferait sûrement plaisir… Son souffle rida la surface liquide. Oui, oui ! pour sa fête, ou son anniversaire… Elle saisit le cheveu entre pouce et index. Et elle le porterait, oui, les jours de fête, et les jours d’été…

La goutte tomba, le vitrail se brisa ; l’enfant pleura.

Oui, petite fille, tu pleurais ce jour-là...

Et les larmes coulaient dans tes cheveux dorés.

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