L’HEURE MAGIQUE - Thomas Beddok
Voici l’heure magique, où la langueur orangée du soleil vient caresser l’océan. L’esprit d’iode oublié dans les algues exhale un fumet capiteux. Tout chauffe. La sueur accablante fait entendre l’appel de la nudité : on se décarapaçonne. Glabres et galbés, les corps s’étirent d’aise sur le sable fin. La mer monte à la bouche ; on se glisse dans l’eau. Les silhouettes charnues ondulent comme des langues. La chair s’attiédit et les esprits s’échauffent : étanchée, la soif de fraîcheur ouvre d’autres appétits. La caresse des vagues ne suffit plus : on sort. A la vue des courbes luisantes, l’attirance pointe son nez turgescent. Sur le satin de la plage, on se frôle, se frotte et s’entretitille. Les glandes salivent. Soudain, tout se met en branle : chacun lèche le sel sur les formes de l’autre. On se rampe dessus dans une volupté moite ; un parfum de palourde se diffuse dans l’air. Les corps se pressent, se collent, bavent le désir par tous les pores. Chacun étreint la chair flasque de l’autre dans un tango brûlant. Sous le soleil, les ombres lascives s’entortillent. Les sens s’embrasent. C’est l’abandon : les bouches ivres explosent en baisers gluants. Jouissance visqueuse ! La mouille inonde le sable. A l’horizon, l’astre rouge pénètre la mer. Dans le silence des tropiques, une symphonie de succions s’échappe des corps enfiévrés que la chaleur ramollit peu à peu. Le jour tombe. Une marée pudique revient laver la plage. Se désagglutinant, les bigorneaux repus rentrent dans leurs coquilles.