Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
  • Venez découvrir les textes écrits par les stagiaires et les écrivains des Ateliers d’Écriture du Prix du Jeune Écrivain, ainsi que divers témoignages et autres contributions littéraires. Crédit photos : Guy Bernot
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Visiteurs
Depuis la création 44 019
5 octobre 2016

Elles - Martine Sence

DSC_5228 Martine Sence

 Nous étions deux amies, deux vraies amies. Nous avions tout en commun : notre métier, notre goût de la peinture et de l’écriture, un même sens de l’humour. J’admirais Michèle pour sa capacité à comprendre les motivations les plus secrètes, les moins avouables de son entourage. Elle avait une sensibilité étonnante pour aspirer les émotions et les retraduire en mots, pour débusquer dans les propos les plus insignifiants les éléments qui trahissaient les pensées inconscientes de ses interlocuteurs. Nous passions tous nos instants de liberté ensemble – nous travaillions, nous déjeunions, nous passions nos week-ends l’une avec l’autre. Parfois, nous étions trois, lorsque Christine se joignait à nous.

Arriva le temps de mon départ pour l’étranger. Je quittai Michèle avec beaucoup de tristesse : je regrettai autant l’amie que nos discussions passionnées. Nos relations se distendirent petit à petit : Michèle était accaparée par son travail et j’avais tant de choses à découvrir dans mon pays d’adoption.

Nous nous retrouvâmes quelques années plus tard, Michèle et moi, ou plutôt, Michèle, Christine et moi. On fêta ça dans un restaurant.  Michèle et Christine étaient déjà attablées quand j’arrivai. Tout de suite je remarquai combien Christine avait changé : Elle avait coupé ses cheveux très courts, était habillée d’un tee-shirt jaune délavé et d’un jeans troué. Affalée dans une chaise à la terrasse du bistro, elle dégustait une bière glacée, en dessinant machinalement un quadrillage sur le verre embué. Plus encore que sa tenue, c’est son attitude qui s’était modifiée. La soirée était douce et les fleurs de tilleul embaumaient. Le restaurant était quasi désert, le service lent laissait de nombreux temps morts. Christine parla longuement de sa moto et aussi de la Lada qu’elle avait achetée et du plaisir qu’elle avait à la démonter et à la remonter. « J’en suis très content »  disait-elle. « Content ? » Je me demandai si j’avais bien entendu.

A la fin du repas Michèle et Christine m’annoncèrent amoureusement qu’elles avaient décidé de vivre ensemble. Tout en me réjouissant du bonheur qu’elles montraient, J’en vins à me demander quelle avait été la nature de mes relations avec Michèle. Même si j’avais toujours partagé ma vie avec des hommes, mes passions et mes centres d’intérêt étaient proches de ceux de Christine : j’aimais les hélicoptères, le tir au pistolet, les équations.  J’étais capable de me défendre et de faire fuir un agresseur. Je valorisais de façon assez systématique un comportement de type masculin.  Michèle ne s’y était pas trompée, et je réalisai à ce moment là qu’elle avait déjà essayé à plusieurs reprises de m’en faire la remarque. Je ne comprenais que maintenant ce qu’elle avait voulu me dire.

Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité