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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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5 octobre 2016

La pourriture du cœur - Jade Sercomanens

DSC_5215 Jade Sercomanens

On raconte qu’une fée apparaît parfois pour laver les cœurs qui sont en train de pourrir. On raconte qu’une vierge décide parfois de sauver les âmes qui ne sont pas encore tout à fait perdues. On raconte tellement de choses…

 

Le jeune homme s’arrête, il reprend son souffle et sa respiration s’apaise, mais il est toujours plein de sa rage. Il n’a plus son couteau à la main, il a dû le perdre dans sa course. Il remarque une tache de sang sur son vêtement et la frappe de toute la force de son poing. Repenser au corps sans vie de Marceau ne change rien à sa colère. Il le voudrait à nouveau vivant pour le tuer encore et encore.

Il regarde autour de lui et ne reconnaît pas les arbres qui l’encerclent. Les bois infinis peuvent être trompeurs, il ne doit pas retourner sur ses pas, cela ne lui vaudrait que la corde. Mais où aller ?

Il se met en route, les heures passent. Les arbres qui défilent se ressemblent. Les bruits lugubres de la forêt montent à mesure que le jour baisse.

Il trébuche et tombe la tête la première sur les vestiges d’un escalier de pierre. Le dégageant des ronces et des feuillages qui le recouvrent, il réalise qu’il se trouve dans des ruines. La colère continue de gronder en lui, la faim et la soif le tourmentent. Avisant ce qui ressemble aux restes d’un bénitier, il s’y précipite, dans l’espoir que de l’eau de pluie y soit restée prisonnière. Espoir vite déçu ; il y a bien de l’eau, mais si croupie que le jeune homme n’ose pas y plonger les lèvres. Il se recroqueville et ferme les yeux. Un bruit les lui fait rouvrir. Cherchant sa provenance, il découvre la statue d’une belle jeune femme. Elle est voilée, mais sa poitrine est à moitié dénudée. Subjugué par sa beauté, il s’endort à ses pieds.

Au matin, il est réveillé par un liquide qui s’égoutte sur son visage et baigne son corps. La tache sur le vêtement en est presque lavée. Il lève la tête et voit que du sein de pierre coule un liquide blanc. Assoiffé, affamé, il se met à téter.

Dans sa bouche, un goût de lait, doux, suave, comme s’il provenait d’une chair tout aussi douce et chaude… Soudain, le lait se mue en sang, le goût savoureux devient amer, brutal. Il laisse place à une violence inouïe qui se déploie. Puis, plus rien. Juste Marceau, qui se dresse face à lui, en juge accusateur.

Le jeune homme veut lui crier sa hargne, mais le lait dans sa gorge l’en empêche. Marceau se met à parler. De façon surprenante, il ne profère aucune accusation, au contraire, il s’excuse. « Tu ne m’as pas laissé le temps de te le dire, mais je suis désolé. » Il y a beaucoup de choses en filigrane dans ce « désolé ». La respiration du jeune homme s’emballe, il pleure, il pleure de tout son cœur et ressent tant de remords que toute sa colère s’évapore.

Il ouvre les yeux et se redresse d’un bond. La statue semble poser sur lui un regard doux et compatissant, mais son sein s’est tari. Le jeune homme décide de revenir sur ses pas, d’affronter la justice… Sortant des ruines, à sa grande surprise, il regagne en quelques pas le village qu’il croyait beaucoup plus éloigné.

Il voit alors Marceau, bien vivant. Il s’arrête, perplexe, baisse les yeux, et s’aperçoit que, sur son vêtement, la tache a disparu.

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