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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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  • Venez découvrir les textes écrits par les stagiaires et les écrivains des Ateliers d’Écriture du Prix du Jeune Écrivain, ainsi que divers témoignages et autres contributions littéraires. Crédit photos : Guy Bernot
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5 octobre 2016

Le mal du chemin - Anna-Livia Marchionni

DSC_6099 Anna-Livia Marchionni

            Comment dire ? Ça vous saisit au détour d’un sentier. Il y a ces petits parfums de sous-bois, fuyants comme des bêtes sauvages ; il y a cette brise assoupie dans les ramures, et on entend son murmure arythmique ; il y a ce retournement délicat des jeunes feuilles tout justes écloses, et on en perçoit le revers de vert tendre : savez-vous la douceur des premières feuilles ? Savez-vous leur douceur ? Et puis, il y a cette saveur qu’ont les fruits sauvages, et on en pleure ….

            Il y a tout cela, et plus, tellement plus qu’on touche à l'impossible à dire, et mieux vaut se taire. Pourtant, on aimerait tant pouvoir dire, simplement pour s’en approcher, furtivement, comme des fugitifs ; caresser avec les mots.

            Tout de même, je vais tenter de vous dire. Ne croyez pas trop à mes paroles : elles vont tout déformer. On plante les mots comme des piliers, comme des barreaux de prison ; on ferait mieux de leur donner des allures de phalènes maladroites.

            Voici ce que je disais : ça vous saisit au détour d’un sentier. Ça vous frappe en pleine face, ça prend toute la place dans votre regard (vous savez, ce regard particulier de nos yeux intérieurs). Ça surgit comme un aiguillon, comme une lumière. Et c’est beau ; et vous comprenez à quel point ça vous manque ; à quel point ça vous creuse ; à quel point vous aimez.

            Je veux parler des chemins, des mille chemins que j’ai parcourus, arpentés, sillonnés, loin du monde, toujours loin : ailleurs. On n’est plus qu’ailleurs alors. Seule, et le chemin qui vous porte, qui vous guide. Seule, et le chemin qui vous épuise, qui vous rompt, qui vous extrait de vous-mêmes, et on n’avance plus qu’à cœur nu sur la pierre. Chemins des bois, chemins des ruisseaux, chemins des champs, chemins d'errance, immortels chemins qui disparaissent et se retracent d’eux-mêmes.

            Chemins, je me crois libre quand je vous quitte : libérée de votre emprise, de la solitude qui émane de votre peau de terre, de brindilles, d’humus, de sable, de résine, de votre peau qui m’habille d'une aura sensorielle. Je me crois libre quand enfin je vous quitte ; pourtant, chemins : vous êtes là, en moi, profondément ; vous êtes la lame qui m’est restée au fond du regard. Où que se dépose mon regard, il vous voit. Chemins, quand je vous quitte, je vous quête. Incessamment je vous quête. Incessamment vous êtes mon vide qui se creuse à mesure qu’il s’emplit…

            Alors, comment dire ? Chemins, comment dire à quel point je vous espère quand je vous regrette...

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