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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
  • Venez découvrir les textes écrits par les stagiaires et les écrivains des Ateliers d’Écriture du Prix du Jeune Écrivain, ainsi que divers témoignages et autres contributions littéraires. Crédit photos : Guy Bernot
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5 octobre 2016

Il était une première fois… - Bernard Jannin

Bernard Jannin

 Muret, Prix du Jeune Écrivain, ateliers d’écriture, participants stagiaires sans visages, animateurs écrivains renommés : noms, mots, qualités plus reconnus par le monde des Lettres que connus du nouvel arrivant moniteur (du nouveau coach, pour dire comme aujourd’hui ; du reste, on se demande pourquoi ? L’Académie et l’académie, même la rue, la banlieue manquent d’audace, d’imagination, de courage créateurs pour combler les manques de notre langue, soit, mais à force de laisser tels ou tels aubains silicono-valleysiens remplacer par de l’anglomatique des absences qu’elle n’a pas, son propre réservoir finirait par s’évaporer, et par se perdre ses atouts de précision, de clarté, voire de légèreté, de musicalité, de joliesse).

Return to our sheep, comme cela se dit en bon français. Le nouveau chargé de mission – désigné suite à un heureux concours de circonstances qu’il n’a toujours pas éclairci – arriva en terres et terrains inconnus, totalement inconnus (Haute-Garonne ; expression direction publiques d’un thème littéraire ; collègues auteurs animateurs ; etc.) Plusieurs premières fois à la fois, donc, pour ce néophyte, ce bleu, ce puceau (à son âge… ; mais cela ne rajeunirait-il pas ?). Rajeunit d’autant plus le susdit novice que son auditoire se trouva être exclusivement féminin, de la grande jeune fille à la toujours jeune dame. L’idéal, pour débuter dans le délicat exercice de maître et valet ès expression littéraire ! D’abord cela évita de possibles compétitions testostéronesques instinctives autant qu’inutiles plus ou moins rentrées entre participants et animateur mâles ; des filles, on peut généralement compter sur l’attention immédiate au sujet à travailler ; leur patience naturelle le temps du premier contact, des premiers échanges, accéléra la prise de ses marques par l’apprenti meneur de jeu, rodé aux conférences, pas aux ateliers d’écriture. À ce propos, il n’est guère plus facile de dire, de montrer comment écrire que d’écrire, même pour un auteur « qui publie ». Si l’on pouvait tout expliquer des événements, des sensations, des sentiments et de la forme avec laquelle on en rapporte dans ses livres les naissances, les rencontres, les accords ou les collisions, on s’en tiendrait à commettre des traités, convoquer des réunions publiques (pas des meetings !), plutôt qu’à souffrir les affres de la feuille blanche, de la phrase rétive à l’idée en tête, du doute sur le sens, l’utilité, l’écho de ce que l’on fait, jusqu’à la crainte d’un incendie de son manuscrit… ; plutôt qu’à dépendre de la loterie éditoriale, ne serait-ce que pour « exister vrai » quand enfin imprimé, relié, paginé, mis en rayon. Sans compter que la tenue d’un atelier présente une première complexité, voire ambiguïté : recul essentiel du lecteur sur chaque texte soumis et à la fois présence simultanée de son auteur(e) ; le subjectif se mêle à l’objectif, le juge se sait jaugé... Ici l’on peut en revenir naturellement, ou presque, à la composition même de l’atelier du p’tit nouveau. Des or-chi-dées ; pas des violettes, des orchidées ! Là, noire, rare ; ici, aux yeux clairs ou aux yeux sombres ; une, Canadienne, robuste et audacieuse comme les pionniers ; des grandes et des petites ; des longues et des rondes ; des calées du cursus, d’autres du corso de la vie avec ses drôles et ses pas drôles de figures ; et celle-ci, à l’humour fou ; celle-là, toute d’intériorité. Mieux qu’un bouquet, un parterre. Des dix présentes on ferait dix portraits, de dix pages chacun. Pour résumer : sérieux et application autant que charme et vénusté. Tout pour stimuler en tous sens l’animateur, grand émotif masqué (pas si masqué que cela), qui n’eut plus qu’une idée, se mettre sans dessus-dessous afin qu’expriment leur meilleur par l’écriture les disciples d’une semaine. On travailla, beaucoup ; tantôt dans les tranchées des mots, même des virgules, du temps de lecture de chaque texte à ne pas dépasser, etc. ; tantôt dans les airs de l’imagination, des expériences, des sensibilités personnelles. Ce qui en sortit, encre de l’imprimante encore chaude, fut de qualité, d’après le dire des « autorités » et du public, auditeurs des lectures du dernier jour et meilleurs juges que l’animateur. De qualité malgré certains lendemains matins à tout bouleverser ; celui du 10 juillet (1 à 0 pour le Portugal), celui du 14 (86 à 1 pour daech, qui ne vaut pas même une majuscule !). Quant à ce qui a été reçu de part et d’autre, participantes et animateur, lui ne peut savoir, pour « ses » orchidées, mais pour lui, il sait et il garde : l’atmosphère délicieuse autour d’une expérience personnellement enrichissante en maints domaines, grâce à elles, riches de vie tout court et de leurs différences, disponibles, légères, inventives et appliquées, profondément expressives, surtout. Et le surcroît, imprévu, admirable et stimulant, de la découverte parmi les rangs d’orchidées de dons réels pour écrire, même du réel talent à le faire.

De l’ambiance, des ambiances générales, c'est à dire de l’accueil, du soutien, de l’hospitalité des organisateurs, personnels municipaux et bénévoles, hôtes exquis en charge de l’hébergement : pareillement à ses confrères et collègues à ancienneté, le nouveau s’est senti coq en pâte. Il eut même des soirées spectacles, et l’humble plaisir de serrer modestement la louche d’un vaillant Immortel…

L’immortalité, justement ; y aurait-il un moyen d’en doter les êtres, les lieux, les moments vécus ou espérés, les instants partagés que le temps par nature pousse dans ses gouffres de regrets, d’oubli ou de néant ? Ah ! tiens, au fait, le nouveau, incurablement nouveau, décidément, allait oublier d’indiquer le thème proposé pour son atelier : « Écrire la nostalgie », en tous ses temps, lieux et visages. Peut-être était-ce surtout cela qu’il fallait ici réexposer, développer, rabâcher ; c’eût été inutile puisqu’elles l’on fait, corps et âme.

Le « conscrit » devenu « libérable » qui connut cette première et ne sait s’il y aura d’autres fois, afin de soulager le lecteur du présent discours, de rester dans le sujet et dire sa propre nostalgie dès maintenant de la page de vie écrite ensemble déjà tournée, ne peut faire mieux que citer Guillaume Apollinaire, de plein cœur :

« Passons, passons puisque tout passe, nous nous retournerons souvent. »

 

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