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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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5 octobre 2016

Extrait de « Vivre ou mourir ? » - Amira Maameri

DSC_5182 Amira Maameri

Comment dormir sur mes deux oreilles, sachant que Joyeux, mon petit frère ne parvient pas à fermer l’œil de la nuit, à peine allongé dans une voiture brûlée faisant la conversation à une araignée ?

Vers 10h du matin, ma mère, qui cuisine merveilleusement bien, est venue me concocter l’un de ses plats savoureux que j’aime déguster jusqu’à m’en lécher les doigts. Il y a des petits pois, des carottes coupées en rondelles, des cœurs d’artichaut, de la viande d’agneau et un juteux ragoût pour accompagner le tout. Soudain, Joyeux nous interrompt, brisant ce bien-être si précieux. Je réussis pourtant à canaliser Maman qui ne hurle plus et semble apaisée. Joyeux a un teint verdâtre. Totalement exténué, il semble entendre des voix. C’est étrange, il tient des propos incohérents et, face à notre silence, nous assène des choses absolument insensées. Sortant de son sac-à-dos une bouteille d’essence et un briquet, il nous explique que nous allons mourir tous les trois dans mon appartement.

 « Qu’est-ce qu’on fait ? ». Je comprends surtout que je suis seule face à ce danger que le destin me demande d’écarter.

Je fais à peine une tête de plus que Joyeux et je sais que cette différence est cruciale, je lui saute dessus, je lui arrache la bouteille d’essence de la main et m’enfuis avec.

Je dévale les escaliers de mon immeuble, passe le portique et trouve enfin un refuge. Personne à l’horizon. Je dépose ce qui devait être une bombe dans la ruelle. « Maman, j’ai si peur ! ».

Je respire un bon coup. Je franchis le seuil de la porte. Je les retrouve Maman et Joyeux au milieu de la pièce. Ils sont en plein délire. Maman entend ses voix, elle leur hurle dessus en direction de la lumière du salon. Joyeux répond aux siennes très en colère. J’assiste à une scène inimaginable. La maladie de l’un se nourrit de celle de l’autre. Je suis dans un monde inconnu.

Composer le 17 ? J’y songe mais je vais devoir trouver un stratagème pour sortir à nouveau de chez moi. Je prétends qu’il n’y a plus de boissons gazeuses dans le frigo et que je dois filer en acheter. Mon frère n’est pas con, il a senti que je peux lui ‘’Mettre une carotte’’ comme il le dit. Il n’hésite pas à me menacer de mort si la police vient sonner. J’ai le temps de croiser son regard où la détresse est maîtresse. Ses yeux fixés dans les miens m’adressent une demande : le sauver.

Je me cache entre deux voitures pour passer mon coup de fil. Je crains que Joyeux ne m’ait suivi. J’espère que la conversation avec le policier sera brève car chaque minute compte.

« Je ne peux pas vous envoyer une patrouille de police Mademoiselle, vous me dîtes que votre frère ne vous a pas frappé ! » me répond la policière au bout du fil, alors que je viens de l’appeler au secours pour nous sortir tous les trois de cet enfer.

Je n’y crois pas. Il faut que le sang coule. Je ne me laisse pas faire pour autant : elle doit m’envoyer une patrouille de police car Joyeux nous a menacé de mort plusieurs fois et je sais où se trouve la bouteille d’essence puisque c’est moi qui l’a cachée.

A présent, j’ouvre les yeux, il y a toujours ce livre, Le Prophète de Khalil Gibran. Je vois la mer, le sable et un ciel dégagé dévoilant quelques rayons de soleil, sur la page de garde. Il y a aussi cette chaise sans originalité, et cette plante inspirante, une orchidée. Mon cœur bat paisiblement. Boum, boum, boum.

Mon regard se tourne vers mon fidèle. Je lui tends la main et je lui dis : « Mon amour, ne t’inquiète pas. Je m’aime ! Je t’aime ! ».

Et une perle d’eau salée glisse sur mon visage. Elle laisse place au silence.

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