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Écrire à Muret avec le Prix du Jeune Écrivain
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  • Venez découvrir les textes écrits par les stagiaires et les écrivains des Ateliers d’Écriture du Prix du Jeune Écrivain, ainsi que divers témoignages et autres contributions littéraires. Crédit photos : Guy Bernot
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30 octobre 2015

UN SOIR, UN BAL - Maurine Coppa

 

coppa

C'était le soir, la nuit tombait lentement sur le monde, nappant la nature d'un voile sombre. À l'intérieur de la grande salle, des centaines d'ampoules éclairaient un immense salon aux décors oniriques. Partout, de belles dames s'exposaient en riant devant des groupes d'hommes de tout âge. Elles faisaient tournoyer leurs magnifiques robes dans une explosion d'étoffes, de pierreries et de bijoux. Elles s'étaient maquillées et coiffées avec le plus grand soin pour ce soir de bal. Un escalier massif, tout en pierres sculptées, menait à un entresol, un buffet recouvert de plats somptueux et des garçons en tenue de serveurs soulignaient l'importance du lieu et la richesse du propriétaire. Au centre trônait la piste de danse, où quelques couples évoluaient gracieusement.

            - Regarde comme il est beau ! s'extasia mon amie, agrippée à mon bras depuis notre arrivé.

            - Oui, répondis-je distraitement, occupée à admirer le luxurieux lustre central.

            - Oh, il nous regarde ! continua-t-elle en me serrant plus fort.

            - Hum.

            Il devait y avoir une centaine d'ampoules.

            - Il s'approche !

            - Génial, marmonnai-je sans conviction, tout en n'ayant aucune idée de qui elle me parlait.

            Elle accentua encore sa pression, je poussai un petit cri de douleur quand ses ongles m'éraflèrent malgré le tissu.

            - Aïe ! Fait attention !

            Sans répondre elle me désigna une silhouette qui tentait de se frayer un chemin à travers la foule, slalomant entre des grappes de convives. Je le reconnu rapidement, c'était le comte Volgia, le fils du propriétaire des lieux, une des plus grandes richesses de la région, héritier direct de nombreuses propriétés, et c'était surtout un homme charmant. Il s'approcha d'un pas souple et s'arrêta devant nous. Je sentis que mon amie, fébrile, se cachait à moitié derrière moi. Avec un sourire enjôleur, le jeune homme exécuta une courbette devant moi avant de me baiser la main droite.

            - Mademoiselle, cette robe vous sied à merveille.

            Il se releva et parut attristé.

            - Je n'ai malheureusement pas le temps de m'attarder en votre charmante compagnie car le devoir m'appelle. Mais soyez assurées que je suis ravi.

            Je soulevai légèrement ma robe et pliai les genoux pour le saluer. En partant je le vis adresser un clin d’œil charmeur à mon amie, qui le fixait, la bouche entr’ouverte, incapable d'articuler le moindre mot. Il lui fallut plusieurs minutes pour réussir à bredouiller.

            - Tu connais le comte Volgia ?

            J’acquiesçai, un sourire goguenard sur les lèvres.

           - Comment est-ce possible ? Raconte-moi, je t'en prie ! me supplia-t-elle en faisant des petits bonds d'excitation.

            - C'est une longue histoire. C'était il y a déjà plusieurs mois, lors d'une soirée d'hiver. J'avais pris une jument pour faire une promenade en forêt, il faisait froid et sec. Je guidais ma monture un peu au hasard, et sans m'en rendre compte je m'égarais. Je constatai soudainement que les taillis et fourrés qui m'entouraient étaient de plus en plus épais. Guère inquiète au début, je le devins rapidement en réalisant que la lumière décroissait vivement. Le soleil glissait vers l'horizon et des nuages sombres venaient assombrir encore les chatoiements du couchant. Dans la pénombre qui gagnait les sous-bois, je croyais voir des formes mouvantes derrière chaque arbre. Tout à coup, un craquement sec retentit derrière moi. Affolée, ma jument se cabra et échappa à mon contrôle. Je chutai lourdement sur le sol gelé. Le temps de me relever, ma monture avait filé. J'étais seule, complètement perdue dans une partie du bois qui m'étais inconnue.

            - Et le comte dans tout ça ? m'interrogea mon amie.

            - Attends ! J'y viens...

            - Je commençai donc à marcher. Le froid se faisait plus mordant depuis que le soleil avait disparu. Une neige légère ne tarda pas à tomber. Enserrant la forêt sous un manteau blanc, étouffant les bruits et couvrant les frondaisons des épineux. Je ne sais combien de temps j'errais, trempée et glacée. Soudain, je crus entendre un bruit. Une sorte de crissement. Je m'arrêtai, regardai autour de moi, et constatai que je me trouvai sur ce qui devait être un chemin. Je scrutai l'horizon dégagé quand un hennissement me parvint. Un cheval ! Et peut-être des secours... Je vis l'ombre d'une calèche couverte se profiler au loin, tirée par deux chevaux noirs. J'agitai vivement les bras, faisant signe au conducteur qui s'arrêta devant moi. La portière s'ouvrit et un jeune homme, enveloppé d'un épais manteau, en descendit. Il m'a souri et c'est là que je l'ai reconnu ; le comte Volgia. Il m'a invitée à m'asseoir  avec lui, et, s'inquiétant de mon logement, il décida de faire un petit détour pour me ramener. C'est ainsi que j'ai pu le rencontrer et depuis, dès que nous nous croissons, il ne manque pas de venir me saluer.

            - C'est un peu incroyable comme histoire... Je croyais que tu n'aimais pas monter ? demanda mon amie, sceptique.

            - Cela m'arrive parfois, répliquai-je glaciale.

            Pendant que je racontais ma rencontre avec le comte, nous avions gravis les marches qui menaient à l'entresol. Accoudées aux balustrades, nous contemplions la piste de danse où de nombreux couples virevoltaient au son d'un petit orchestre, qui jouait gaiement une valse. Me tirant la manche, mon amie me désigna le jeune comte qui offrait une danse à une très belle jeune femme aux longs cheveux châtains.

            - Je crois que c'est sa fiancée, murmura mon amie d'un ton où perçait la jalousie. Oh, c'est amusant ! Elle ressemble à ta sœur.

           - N'importe quoi ! Tu sais très bien que ma sœur est partie vivre dans le Nord ! assénai-je les joues empourprées.

            - Tu ne m'avais pas dit qu'elle était revenue ?

            - Non ! Tu fais erreur.

            Mal à l'aise, je la plantai là, dévalai les escaliers de pierres, traversai la grande salle et m'engouffrai à l'extérieur. Au dehors, une pluie diluvienne s'abattait sur le monde, comme pour le laver de ses mensonges.

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